Politique Fiction

Politique Fiction: si la police arrêtait tous les consommateurs de cannabis?

Voici une excellente fiction qui ne saurait être très loin de la réalité future. La symbolique du mouchoir blanc à la fenêtre a déjà fait ses preuves dans de nombreuses communautés et ne demande pas d’efforts particuliers pour signifier son support à la cause du cannabis… Alors à vos mouchoirs!

Par Alexandre Grondeau

Critique musical et écrivain.

Dans mon roman Génération H, je relate l’histoire d’une bande de jeunes grands amateurs de substances cannabiques qui se retrouve au fil du temps et des lieux confrontés à toutes sortes d’aventures et de situations extraordinaires.
Celle arrivée à Dominique Broc, interpellé et placé en garde à vue jeudi 21 février pour son combat en faveur des Canabis Social Clubs, m’en a inspiré une autre, toute aussi incroyable que j’aimerais vous raconter.
Il est 7h00 ce matin d’avril, et les près de cinq millions de Français fumeurs réguliers et de sympathisants qui ont indiqué en accrochant sur leur balcon un drapeau blanc incrusté d’une feuille de cannabis qu’ils étaient des consommateurs et des cultivateurs potentiels se retrouvent à devoir ouvrir la porte à des agents de police un peu gênés de devoir les déranger pour vérifier si oui, ou non, ils possèdent chez eux du matériel de cultivateur et des pieds de ganja.
Les policiers sont bien conscients qu’ils pénètrent dans la très grande majorité des cas chez des gens bien insérés dans la société, qui votent et paient leurs impôts et qui pourraient être leur frères et sœurs, leurs cousins, leurs neveux ou nièces, peut-être même qui sait leurs collègues. Ils prient les habitants de bien vouloir les excuser du dérangement et se mettent à fouiller un peu partout dans leurs effets personnels à la recherche d’une boulette ou de matériel hydroponique. Dans bien des cas, la recherche est vaine, le temps perdu, mais l’utilisation ostentatoire d’un drapeau “haschisché” est un délit qui mérite un entretien au commissariat.

Les postes et les fonctionnaires de police se retrouvent ainsi, les premiers véritablement submergés par le nombre de bon français souhaitant marquer leur solidarité, et les seconds totalement dépités par la perte de temps effective au moment même où ils croulent sous le boulot. Camus et Sisyphe ne sont pas loin, mais comment en est-on arrivé là?
Cette vague massive de soutien de la population à été lancée à la suite d’une série d’arrestations et de grèves de la faim de militants pros-légalisation qui ont préféré devenir des martyrs de la cause plutôt que de rester ad vitam eternam dans la clandestinité. Lecteurs assidus de Thoreau et praticiens de la désobéissance civile, ils ont décidé d’assumer pleinement leur consommation quotidienne et leur refus du trafic, des dealers et de la qualité frelatée vendue dans la rue.
Une grande partie des citoyens français n’a pas compris pourquoi un gouvernement de gauche impuissant face à la crise économique dont elle ne maîtrisait pas les ressorts a préféré la répression à la discussion. Cette minorité silencieuse a voulu réagir pour indiquer aux hommes qu’elle a portés au pouvoir qu’il était temps d’accélérer les réformes sociétales et de répondre enfin à son mandat en tentant de changer la vie des gens en les responsabilisant, en entrant de plain-pied dans un millénaire où les gouvernants considèrent leurs gouvernés comme des égaux et non pas comme des petits êtres soumis qu’on guide à la carotte et au bâton.
La situation ce matin d’avril est donc tout bonnement tragique (au sens grec du terme) et aucun responsable politique ne souhaite répondre aux appels incessants des journalistes curieux de voir comment la rhétorique politicienne va pouvoir récupérer une situation devenue inextricable. Il ne s’agit plus désormais de réprimer une bande “d’illuminés post baba cool” mais de trouver une solution à ce rapport de force qui ne peut profiter au plus fort. Les heures passent, les postes de police doivent fermer devant l’afflux des citoyens venus se dénoncer en toute mauvaise foi comme consommateurs et cultivateurs occasionnels de ganja. Le standard des préfectures et des ministères implosent devant le nombre de coups de téléphone qui posent tous la même question: Que fait-on?
Les journaux de treize heures et les chaînes d’information préparent leurs reportages et mobilisent leurs experts à propos de cette mobilisation qui s’apparente tout bonnement à un remakehaschisché de la Lucidité de José Saramago.
Le pays est bloqué, les élites politiques gênées, tiraillées entre leur souci d’autorité et leur bon sens populaire. Il faut trouver une solution, et rapidement. Le président va être obligé d’intervenir pour parler à la nation toute entière.
Cela n’est évidemment qu’une pure fiction et je ne suis qu’écrivain, mais parfois la réalité rejoint la fiction. Pourvu qu’ici cela ne soit pas le cas et que personne ne se retrouve dans une telle situation d’absurdité insoluble.